Rencontre avec Mahé (Illustratrice)

Mahé.
Illustratrice de « Our unknown fellings ».

*Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire ce métier d’illustrateur/dessinateur ?
Quelle question… Il faut remonter loin dans ma prime enfance pour y répondre. Je ne sais pas si c’est très valorisant, mais ma première approche de l’illustration est la fierté, accompagnée d’un gonflement de ma petite poitrine et d’un sourire jusqu’aux oreilles. J’étais en troisième maternelle, j’avais 5 ans. En fait, il avait fallu que chacun d’entre nous se dessine pour indiquer son portemanteau. Je m’étais donc attribué une belle robe bleue (à pois blancs si je me souviens bien), de couettes et de chaussures cirées noires. Mes mains, mes doigts, mon nez, mes lunettes, tous les détails étaient présents. Même si objectivement, je ressemblais à un épouvantail dans un champ de blé, à côté des bâtonnets des autres élèves, j’étais belle. Et, beaucoup plus important, tout le monde s’accordait à dire que j’étais reconnaissable. La fierté m’a accompagnée pendant des semaines et j’ai décidé à ce moment-là que je voulais dessiner, encore et encore… Cette pensée est toujours présente au quotidien et, même si je suis totalement inconnue, je continuerai envers et contre tout juste pour le plaisir que tenir un crayon m’apporte.

* Avez-vous suivi une formation spécifique ?
Les griffonnages autour de mes feuilles de cours comptent comme formation ? En fait, après des études plus « théoriques » qui m’ont donné mon emploi rémunéré, j’ai mis toutes mes économies dans une école artistique à Bruxelles : l’Ecole de Recherche Graphique, plus communément appelé « ERG » où j’ai étudié la bande dessiné et l’illustration durant un an. Et si un manque de moyens flagrants m’a obligé à trouver un emploi plus « classique », je n’en participe pas moins à quelques projets d’illustration trop peu nombreux à mon goût.

* Quelles sont vos influences artistiques, vos sources d’inspiration ?
Je suis Belge, éduquée dans l’image et la bande dessinée, dans un pays qui, quotidiennement, en sort en moyenne une centaine, tous styles et publics confondus. Alors comment ne pas être influencée dans ces conditions ? Même nos façades sont agrémentées d’illustrations ou de sculptures en tout genre. Je ne vais pas énumérer toutes les personnes qui m’ont influencées et qui m’influencent encore aujourd’hui, j’en aurais pour des pages word. Disons juste que je suis toujours en recherche, mon regard scannant toutes images, tout support, tout objet, toute personne, qui m’entourent. C’est d’ailleurs souvent épuisant et je n’ai que deux alternatives à cette inspiration quotidienne : fermer les yeux ou dessiner. Si vous avez croisé ma route, vous avez peut-être été croqué ! D’ailleurs, qu’ils soient illustrateurs, dessinateurs, mangaka, peintres, photographes, écrivains ou simples passants avec un physique ou un style qui m’interpelle, je les remercie tous.

* Quels sont vos supports préférés pour vos créations (Planche de BD, tableau, illustrations…) ?
J’ai touché à tout, jusqu’à la sculpture, pour m’arrêter à la BD et à l’illustration. J’aime raconter des histoires, j’aime immobiliser le temps sur un mini fait, une tranche de vie. C’est pour moi les meilleurs supports pour y parvenir. Je laisse les tableaux à d’autres, bien que je m’y suis essayé, la toile ne m’inspire pas. Trop grande, trop blanche, elle n’est pas transportable en sac-à-dos et donc inapte à mes yeux à attraper un instants de vie sur le vif.

* Avec quels matériels travaillez-vous ? Quels sont vos outils de prédilection (tablette graphique, le bon vieux crayon papier…) / Quelle est la part des outils numériques dans vos réalisations ?
Je n’ai rien d’une informaticienne. Ma main, une feuille, un crayon, stylo, pinceau, encre, aquarelle, écoline, gouache, craies, pastels, sanguine, … N’importe quoi pourvu que ce soit manuel et que le produit fini soit concret. Les outils numériques ne me servent donc presque à rien, si ce n’est à retoucher légèrement ou à partager mes créations.

* Comment pourriez-vous définir votre style ?
Je me cherche encore et espère me chercher toute ma vie. La complaisance dans un style me serait pénible je pense. De la tendance minimaliste de certaines de mes créations esquissées en quelques traits, à la surexposition de détails pour un réalisme primaire, je joue avec l’espace et la lumière.

* Qu’est-ce qui vous a conduit à travailler avec les Editions Muffins ?
Je venais de découvrir le yaoi et en me baladant sur la toile, j’ai réalisé que les Editions Muffins étaient régulièrement citées. J’ai donc visité le site et, toujours en recherche de possibilité de me faire publier, j’ai envoyé une partie de mes créations. J’ai eu la chance d’être retenue.

*Combien de temps prend la réalisation d’une couverture ?
Tout dépend de la couverture, du média utilisé, de l’idée de base, et de la compréhension mutuelle. Une illustration peut se faire en quelques jours ou en plus d’un mois.

* Quels sont les travaux dont vous êtes le plus satisfait, le plus fier à ce jour ?
La mise en BD de certaines chansons de Jacques Brel dans un recueil regroupant plusieurs jeunes dessinateurs bruxellois. La collaboration avec la marque de vêtements et d’accessoires de skate « Flirt ». Et chaque cadeau qui a été accueilli par un regard pétillant et un sourire éblouissant. J’avoue, ce sont ceux-là qui m’apportent le plus de satisfaction et de fierté. Ce sont les moins visibles aussi…

* Quels sont vos projets artistiques ? Sur quels projets travaillez-vous actuellement ?
J’ai encore tant de techniques à tester que je ne suis pas prête à manquer de projets personnels. Mais d’un point de vu professionnel, je me lance dans l’illustration de livres pour les plus jeunes avec un projet sur la ville de Bruxelles. J’ai aussi un projet d’une rubrique hebdomadaire de mini-trip sur un site journalistique.

* Commencez-vous à vivre de vos illustrations ?
Pas encore, non, et ce n’est pas mon but actuel. Je me satisfais d’un travail périodique et irrégulier pour mon propre plaisir. Evidemment, j’aimerais pouvoir un jour me consacrer à plein temps à l’illustration et à la BD, mais tout vient à qui sait attendre et je suis patiente.

* Que peut-on vous souhaiter pour l’avenir ?
D’avoir encore et toujours des projets…

* Pourquoi avoir pris un pseudo ? Et pourquoi celui-ci ?
Pour me laisser un part de mystère, évidemment ! Le pseudo de « Mahé » est celui que j’utilise pour mon travail, il s’agit d’un prénom hébreux qui signifie « Don de Dieu ». Il a été utilisé durant le Moyen Age pour nommer les enfants considérés comme gâtés d’une manière ou d’une autre par la nature, mais très vite le « don de dieu » à été changé en « don du diable » et le prénom à servi à nommer les sorcières (et les fées) dans de nombreux contes et légendes à travers l’Europe.

* Où les lecteurs pourront-ils vous rencontrer prochainement ?
Pour l’instant, à part en faisant un petit tour en Belgique, il faudra se montrer patient.

* Tenez-vous un blog/site perso ?
J’ai un blog personnel et privé, je n’utilise en effet pas la toile pour ma promotion, ce qui est probablement un tort en fait. Il faudrait peut-être que j’y réfléchisse activement et que j’utilise plus activement ce média.